« Le cidre a tenté son comeback tant de fois, qu’il est pratiquement déjà foutu. Et pourtant, après de nombreuses années et autant de faux départs, le breuvage montre les signes d’une véritable renaissance », écrivait la célèbre journaliste du vin vivant Alice Feiring en… 2012. Une fois tous les cinq ans au moins, on annonce le sacre du cidre (naturel de préférence), sans qu’il n’advienne jamais vraiment. Ça glougloute, ça crépite certes, mais on est toujours loin de l’effervescence qui encapsulerait une véritable hype. Pourtant, cette fois-ci pourrait bien être la bonne.
J’en tiens pour preuve une série d’observations tout à fait personnelles et subjectives – mais hé, il faut bien que quelqu’un se lance. D’abord, celle qu’on voit arriver grosse comme une maison : à 150 mètres de chez moi vient d’ouvrir un bar à cidres. C’est le deuxième à Bruxelles, mais celui-ci est différent : soigneusement bétonné-lissé, avec des étiquettes colorées et radicalement sourcées – les patron·ne·s, Victoria Merrel et Maxime Bourdigal connaissent la plupart de leurs cidreron·ne·s et importent directement la came. Bref, un repaire de rêve pour amateur·rice·s de jus français, mais aussi belges, autrichiens ou polonais.
Vous n’avez pas votre carte de membre du CCCC – le Cool Club du Cidre Contemporain ? Pas besoin d’être initié·e ou de se déplacer dans une cave spécialisée pour goûter aux joies de la pomme fermentée : à la carte des bistrots, des restos et des gastros, le cidre se fait définitivement une place entre les softs encore trop souvent ennuyeux et les vins de plus en plus coûteux. D’accord, mais encore ? Ces goulots passent même le test du physio, et correctement lookés, entrent en teuf : en juillet dernier, le petit label Magma tenait un open air avec DJ en l’honneur de sa dernière sortie : un cidre léger en feat avec l’Atelier Constant-Berger. Sur l’étiquette de la bouteille, un QR code renvoyait vers dix mix exclusifs inspirés dudit breuvage.
Toujours pas convaincu·e·s ? Il suffit d’ajouter qu’« à l’instar des représentant·e·s de la craft beer et du vin nat’, [les] cidreron·ne·s vantent les mérites des variétés anciennes de fruits, de la prise de mousse naturelle en bouteille et des purs jus non pasteurisés. (…) Ils et elles insistent sur la diversité des saveurs, le respect du vivant et l’honnêteté de leur démarche », analysait-on déjà l’année dernière sur lefooding.com, à l’occasion d’un article de Victor Coutard. Écologique (pour peu qu’elle soit à taille humaine), la tendance est aussi économique : « La cidriculture, avec ses arbres et ses haies, permet également aux agriculteur·rice·s de diversifier leurs sources de revenus. Ils et elles font en parallèle du miel ou de l’élevage, et trouvent une forme d’équilibre économique qui leur permet de voir venir chaque récolte plus sereinement que la plupart des vigneron·ne·s. »
Le nez dans un verre de cidre hier encore, je jouais au jeu des sept ressemblances : celui-ci, on dirait une gueuze, et celui-là, un pet’ nat’ de chenin ! Tout cela sous le regard réprobateur de la serveuse qui, elle, sait déjà que le cidre est un voyage en soi. Reste à nous tou·te·s de le réaliser.
Elisabeth Debourse, rédactrice en chef
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