Élisez votre metteur en salle préféré !
Cette semaine dans Saucisse, le portrait d’un Premier prix de la mise en salle, des spaghettis sardinés à quatre mains, une reco de quille par Miléna Cugny et des places pour le festoche Casse-Croûte.
On ne taille pas une bavette avec des tauliers à longueur de journée sans s’imaginer qu’on pourrait passer un jour de l’autre côté – en salle ou en cuisine, du moment que ce n’est plus derrière ce satané clavier. Les journalistes se figurent cavistes naturistes, les auteur·rice·s (avec ou sans recettes) ravitailleur·se·s de guinguette et les critiques chef·fe·s magnifiques. Sauf que la plupart du temps, on n’a l’étoffe que de nos mots, pas de serveur·se·s ou de cuistot·e·s. On n’en fera rien, de ces rêves de gamin·e·s, parce qu’au fond on les aime bien ces bureaux improvisés où on a l’avantage de ne traîner qu’avec nos pensées. Promener ses douleurs aux cervicales de table en table, on laisse ça aux autres – quoique, à bien y regarder…
Reste que le grand pas devant (ou derrière) le passe, François Lemarié l’a fait. À 40 piges, alors délocalisé à Biarritz, il ouvre avec son acolyte de vie, Fanny, un spot à popote : Chéri Bibi. « Ça avait toujours été un fantasme, même si j’étais conscient que c’était une servitude. Je voulais mettre les mains dans le cambouis, toucher la matière, aller au fond des choses, mais aussi faire plaisir et partager », me raconte-t-il au téléphone – lui au Pays basque, moi dans la capitale. « On n’a pas fait ça de manière réfléchie, marketée. Mais on l’a fait pour se prouver quelque chose. Et si on ne savait pas où on allait, on savait pertinemment qu’on voulait travailler de bons produits et du bon vin. » La cantine devient ainsi cave à grailler, dont il faut deux ou trois ans à François, en salle, pour démonter les rouages et les remonter enfin les yeux fermés.
Clac, clac, clac, un jour ça clique enfin : tout roule, chacun·e joue sa partition, concentré·e et libre. « Ce sont les moments où tu oublies que tu es en train de faire un boulot. Où tu te dis que c’est pour toi, que c’est que du plaisir. » La preuve, ça dure sept saisons comme ça. « Si on le fait, c’est parce que c’est l’un des derniers métiers où l’on peut avoir une satisfaction immédiate : le retour du client. Il est bon, ou pas bon. Et quand c’est bon, c’est tellement satisfaisant ! Il y a une certaine magie, quand on vous dit qu’à un tout petit niveau, vous changez des vies. » Mais plutôt que de mourir sur scène, François a décidé de quitter la salle avant le tomber de rideau. En septembre 2021, il a refilé les clefs de Chéri Bibi à d’autres rêveur·se·s et repris son activité de chroniqueur.
C’est aussi comme ça qu’il y a quelques semaines, on s’est retrouvé·e·s lui et moi à la terrasse du Parisien pour fomenter une série de portraits sur les metteur·se·s en salle de ce grand théâtre qu’est le restaurant. Nos Meilleurs espoirs ? Zoé Boinet (Auberge de Chassignolles), Benoît Berthail (Elements), Coralie Andt (Au Pont Corbeau) et Jérémy N’Guyen (L’Idéal). « Le point commun entre ces quatre personnes, c’est qu’elles sont passionnées, toutes dans la volonté de partager, de donner. Mais elles sont aussi différentes : Zoé est jeune et lumineuse, Ben taciturne et assertif, Coralie évolue dans un milieu classique, Jérémy a un charisme certain… » Et forcément, « ce qu’elles vivent me parle énormément », confie François.
Ça s’appelle « Sur le devant de la salle », et c’est tous les jeudis du mois d’octobre sur lefooding.com. Premier épisode : Zoé Boinet, aubergiste pur jus.
Elisabeth Debourse, rédactrice en chef
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