Cafés, bistrots, coffee shops… Je ne sais pas vous mais moi, je suis une habituée. J’ai toujours aimé ça, et c’est d’autant plus le cas que je vis désormais entre deux villes : quand je reviens dans celle que j’appelle « chez moi », je pointe où on connaît mon prénom. Il y a un endroit en particulier où je me rends, parfois sans même repasser par mon appartement. Il y a quatre ans, je n’y connaissais personne – sinon ce serait tricher. Aujourd’hui, j’y ai ma place attitrée, ma boisson précommandée, ma playlist enregistrée. Là-bas, il y a un autre régulier, un architecte britannique taiseux et pince-sans-rire qui vit aussi dans le quartier. Lui aussi, je l’aime bien. On se connaît, on se respecte – on est faits du même bois, de celui qui, loin de la chaleur du foyer, s’arrange toujours pour le retrouver.
« Pourquoi devenir un habitué paie », s’intitule cet article paru dans Eater – déjà partagé dans Saucisse il y a deux semaines. Neuf restaurateur·rice·s et acteur·rice·s du secteur y décrivent « les bénéfices de bâtir une relation avec quelques-uns des restaurants les plus en vue ». Il s’agit principalement de se voir accorder quelques largesses, de la réservation plus simple que pour les postulant·e·s lambda aux gratuités, en passant par une certaine reconnaissance sociale. Cette rhétorique, très 9 cafés + 1 offert, a quelque chose du mercantile qu’on espère justement, dites-moi si je me trompe, outrepasser en devenant habitué·e. D’abord, on n’en tire pas de fierté particulière – ce n’est pas un truc de statut. Ensuite, cela ne nous intéresse pas, de ne pas payer. Après tout, on vient en partie pour ça, en sachant que c’est ce qui arrivera en allant là-bas, sinon on peut tout aussi bien rester chez soi.
En réalité, on ne devient pas régulier·ère pour recevoir quelque chose, mais pour donner quelque chose. L’assurance d’une jolie note à encaisser en fait partie, mais ce n’est pas tout : un retour bienveillant sur le nouveau menu, des encouragements ou compliments, une clope pour qui n’a pas l’occasion de taper une pointe jusqu’au tabac, une douceur du marché voisin quand la pause déj’ est encore loin. Il s’agit de prendre soin des lieux qui le font tous les jours. Être une présence rassurante, qu’il pleuve ou qu’il vente. C’est, ça être régulier·ère : tic-tac tic-tac, le temps passe et vous, malgré les crises, vous êtes toujours là. Mais n’oublions pas qu’être un·e habitué·e, c’est aussi savoir quand partir. À l’heure de la fermeture, par exemple.
Elisabeth Debourse, rédactrice en chef
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