Je crois que c’est l’une des questions les plus incandescentes de mon quotidien de journaliste food – devenue rédactrice en chef par je ne sais quelle sorcellerie : comment parler des personnes minorisées de cette industrie ? Prenons les femmes, par exemple. Des années durant, on s’est excusés de ne pas les considérer en clamant qu’elles n’étaient pas assez nombreuses dans les métiers de la restauration (et de l’alimentation, de manière générale). La solution des médias ? Travailler à une « meilleure représentation » de celles qui étaient soit invisibilisées, soit dégoûtées car malmenées. Ça a en partie fonctionné. Mais que se passe-t-il quand on fait « de la représentation » ? On pousse sur le devant de la scène un échantillon de personnes qu’on veut à tout prix inspirantes. On en fait des icônes, des égéries, qu’on présente comme sur les affiches d’abribus, sans failles ni imperfections. Parfaites, elles doivent être parfaites : bien chemisées-coiffées, articulées, médiatisées, exceptionnellement douées et, toujours plus engagées. Des cases, quand on y pense, que les hommes ont encore le luxe de ne pas devoir toutes cocher.
Agricultrices, vigneronnes, cheffes… en vert et contre tout ? De la terre à l’assiette, les femmes du métier sont constamment renvoyées à leur image d’écologistes – mais aussi de féministes, de personnes de couleur… À tel point qu’elles se voient frappées de nouveaux clichés de genre, bien éloignés des réalités de leur activité. Carla Thorel a parlé de ce paradoxe aux principales intéressées, dans un article uniquement accessible à vous, abonné·e·s de Saucisse.
Elisabeth Debourse, rédactrice en chef
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