Pour 5 €, on n’a plus rien ?
Cette semaine, un guide du kool à Athènes, une recette de pasta alla gricia par Robin Panfili (Konbini), une reco désalcoolisée d’Augustin Laborde (Le Paon qui Boit) et des bouquins Regain à gagner.
Flashback. Il y a près de trois ans, j’étais une journaliste indépendante assignée à résidence, suspendue au fil d’une info en continu qui me nourrissait alors (mal) : des brèves sur un énigmatique virus nommé Covid-19 et les piges rédigées par mes soins – pas vraiment moins angoissantes. Puisque l’écriture est encore trop souvent considérée comme un passe-temps, j'avais réussi le tour de force schizophrène d’en faire mon métier et un loisir. En plus de mes articles pour la presse magazine, je rédigeais ainsi chaque semaine, non moins consciencieusement, une newsletter food et société baptisée Mordant. Dedans ? Les réflexions et sujets que mes nombreux employeurs ne m’achetaient pas, qui étaient aussi ceux qui me passionnaient le plus. Je n’étais pas la seule, apparemment.
Après quelques mois d’existence, ce courrier des mangeur·se·s avait rassemblé suffisamment d’abonné·e·s et demandé assez d’énergie pour que je m’interroge sur la pertinence de sa gratuité. Par un habile tour de passe-passe pétri d’un sentiment d’illégitimité, j’avais décidé de tendre un « bocal à pourboires » à la fin de chaque newsletter. De 50 centimes ponctuels à 50 euros mensuels par tipeur·se, les investissements différaient fortement mais me conféraient un petit complément de revenus bienvenu. Il faut croire que les lecteur·rice·s aiment le storytelling de l’autrice qui galère. Il faut croire qu’ils aiment un peu moins l’histoire où elle est payée dignement…
Quand on a imaginé Saucisse cette année, avec le Bureau du Fooding, il était évident que ce club ne pourrait être gratuit. Parce qu’un média sain et indépendant se doit aujourd’hui de diversifier ses sources de revenus, mais aussi parce que, bon sang, ce projet allait envoyer du pâté ! Et nous demander un temps non négligeable : l’équivalent d’une demi à une journée entière par semaine pour ma part. Christine, Gaëlle, Lou-Li, Naïké, Thibault et Zoe travaillent également sur chaque édition pour l’équivalent, au total, d’un bon mi-temps.
Avec l’édito que vous avez sous les yeux, Saucisse compile toutes les semaines une reco de caviste, une recette de pasta, une revue de presse, un extra offert ou à remporter et, une fois par mois, un guide d’adresses à l’étranger. Le prix ? 5 euros par mois – ou 60 euros par an, guide Fooding papier compris. Alors certes, ce n’est pas forcément une priorité en ces temps de vaches maigres, et certain·e·s ont pu nous reprocher d’accoler désormais un prix à nos efforts, mais les fines et grandes gueules continuent bien d’acheter des livres de cuisine (c’est même un genre qui fait particulièrement recette), alors pourquoi pas un micro-média food pratique et malin, livré chaque semaine dans votre boîte mail ? D’autant que le Fooding et ses quelque 2 000 adresses consultables en ligne, ses articles de fond et son autre newsletter hebdomadaire restent fondamentalement… gratuits.
J’aurais rêvé de créer Mordant collectivement, et que ce projet soit considéré pour ce qu’il était : du travail, et bien fait qui plus est. C’est aujourd’hui le cas avec Saucisse. Plus que jamais, le Bureau du Fooding regorge d’envies et d’idées pour mettre une graille de sens au centre de la table. Et on espère que, comme nous, vous lui donnez la valeur qu’elle mérite, qu’elle exige. Au prix d’un café au zinc par semaine (même pas sur les Champs), c’est finalement peu cher payé.
Elisabeth Debourse, rédactrice en chef
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