Un rat, un ours et un chef sont dans une cuisine…
Cette semaine dans Saucisse, la cuisine à l’épreuve de l’écran, une reco du Meilleur caviste Guide 2022, une recette de pasta par l’équipe de Yegg, et un trip bien perché à gagner.
Une fois par mois, Saucisse change de main comme de voix… Et avec l’image, c’est encore mieux ! Ça tombe bien, Pauline Le Gall est plutôt calée en petit et grand écran, qu’elle ausculte derrière ses binocles affûtés. Après avoir disséqué les Amitiés féminines en action dans son premier essai (Éditions Daronnes), elle se penche pour le Fooding sur le retour en 4K de la cuisine dans le poste ou au cinoche, dépeinte avec toujours plus de réalisme – et donc de violence. Installez-vous confortablement et accrochez vos serviettes, la séance va commencer !
Elisabeth Debourse, rédactrice en chef
Dans un tas de domaines, la fiction m’a tout appris. C’est le cas avec la cuisine. Comme pas mal de gens, Ratatouille m’a tant émerveillée que le film est resté avec moi des années. Je vous rassure, je n’ai jamais vraiment cru que des rats se cachaient sous les toques des chef·fe·s, non, il m’a plutôt enseigné que les cuisines abritent des rêves et celles et ceux qui les font. Mais récemment, j’ai fait une autre découverte de ce côté-ci de l’écran : derrière les assiettes dressées à la pincette, la gastronomie peut aussi cacher un monde impitoyable – bien plus que celui du resto Chez Rémy. L’exemple le plus récent du genre est The Menu, la violente pellicule de Mark Mylod sortie cette semaine, qui mêle l’humour à l’horreur pour proposer une satire acerbe des foodistes et de leurs stars de chef·fe·s.
Avant ça, j’avais déjà pénétré l’antre des cuisinier·ère·s torturé·e·s de Chef’s Table, la série-blockbuster de Netflix – à laquelle The Menu fait d’ailleurs plusieurs fois référence. J’ai suffoqué devant l’oppressant Boiling Point de Philip Barantini, qui suit minute par minute la descente aux enfers d’une équipe en service, et en regardant la série The Bear, dans laquelle Carmine, un cuistot habitué des palaces, se retrouve à reprendre la gestion (chaotique) de la petite cantine de son frère décédé. J’ai terminé le premier épisode de celle-ci totalement lessivée, après avoir été plongée cinquante minutes durant dans une pièce bruyante où chacun·e force une hiérarchie violente et artificielle, tout en tentant de survivre au coup de feu. Comme Boiling Point, The Bear a recours au plan séquence, un procédé filmique qui restitue ici avec un angoissant réalisme le brouhaha de la salle, la chaleur du piano et cette tension qui n’en finit pas de monter.
À quoi bon, me direz-vous, montrer encore et encore la violence à l’écran, celle qui est racontée dans de longs paragraphes d’articles rouvrant les plaies des agressions subies dans telle cuisine, sur tel plateau de tournage, dans tel corps de métier ? À mes yeux, la fiction ne montre pas seulement d’autres vies, mais aussi d’autres possibles. Si The Menu donne à voir un système à bout de souffle, alors il ne reste d’autre choix que de le réinventer. Dans The Bear, par exemple, Sydney, la sous-cheffe de Carmine, les encourage à changer, lui et sa cuisine, en pensant à la communauté qui les entoure, à ses valeurs et à leur communication. La fiction a souvent un temps d’avance. Et pour la gastronomie de demain, que va-t-elle pouvoir encore inventer ? J’ai hâte de le regarder. Et si la solution se trouve du côté des rats qui parlent, qu’il en soit ainsi !
Pauline Le Gall
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